C’est un objet recueilli. Il a été abandonné sur un trottoir parisien, parmi d’autres objets, en attendant le passage de la benne à ordures. Il porte les traces d’autres vies : des taches, des coups, des usures. Il ne sera pas poncé, ni vernis ni peint, surtout pas « relooké ». Il nous accompagnera le temps que dureront nos vies, peut-être, avant d’aller habiter un autre lieu. Il a été recueilli, soustrait à l’indifférence, et il a cet air recueilli qu’ont les objets anciens : ils ont l’air d’attendre avec l’infinie patience de ceux qui ne craignent pas le passage du temps ; que leur valeur soit d’échange, d’usage, esthétique ou sentimentale, ils peuvent sûrement compter sur un mortel pour les recueillir. Recueillir un objet peut être une façon de rendre hommage à ceux qui ont vécu avec lui. Pourquoi alors n’ai-je pas recueilli cet autre objet : la photographie en noir et blanc d’un jeune couple, prise dans les années 30 ? Ai-je eu peur de les « prendre en charge » ? Cela signifie-t-il qu’aux autres, je préfère leur présence désincarnée, muette, voire leur nature morte ? C’est décidé, à la prochaine occasion, je commence une collection : portraits photographiques d’inconnus.

Ancien, simple, utile: un objet comme patiné par une évidence…