Mes parents possédaient un chalet, dans les Vosges, qui synthétise notre magique enfance, notre adolescence et la vie de famille, joyeuse, avant la mort de mon père, en 1974, à 46 ans, d’un cancer des poumons. Un livre d’or restait là-bas en permanence et cette photographie du premier feuillet de ce cahier, de l’écriture de papa, témoigne de l’esprit dans lequel mes parents envisageaient cette résidence secondaire. Je tenais beaucoup à ce précieux album vert, dans lequel nous avions tous écrit, les sept enfants, laissé notre trace, scotché des images, résumé le quotidien en journal collectif.
Maman a finalement dû vendre les lieux, et a donné ce souvenir concret à l’une de mes sœurs. Lorsque je lui ai demandé de me le prêter, quelques années après, cette dernière a dû m’avouer avoir perdu l’irremplaçable document.
Quel désespoir ! J’ai rêvé, fantasmé, transformé ce trésor envolé, j’ai même écrit un texte qui fut publié sous le titre « Livre d’or », hommage indirect à cette perte essentielle.
Et puis, longtemps après, maman m’a annoncé, un jour, au téléphone : « Devine ce que ta sœur C. vient de retrouver, par hasard ? » Elle n’a pas eu à en dire davantage, je savais. Mon cœur s’est mis à sauter, j’ai sangloté de joie.
Allez, je l’avoue, en dehors de l’émotion incroyable à retrouver l’écriture de mon père, j’ai été déçue, finalement. L’objet déposé dans ma mémoire est tellement plus riche, tellement plus merveilleux que celui, concret, que j’ai pu à nouveau consulter !
le pouvoir de notre imaginaire quand la perte est consommée…
C’est aussi l’idée que rien n’est jamais tout à fait perdu… voilà qui peut être rassurant !