Col de couleurs, d’Ella Balaert

Perles de verre bleues et roses, vertes ou ambrées, serties d’un fil d’argent : je retire le collier tout neuf de sa boite et le referme autour de  mon cou. D’habitude à cette heure-ci, je fais l’inverse : je détache une fine chaîne, j’ôte mes bijoux si j’en porte, je les pose sur mon bureau ou dans un petit coffre  délicatement ouvragé. Mais ce soir n’est pas ordinaire. Dans le miroir, sur la peau, les perles brillent, innocentes, de forme régulière, de couleurs variées, très gaies, heureuses de quitter leur écrin.

Et c’est exactement ce que je  veux, que cela soit joyeux et lumineux.

À mes pieds une petite valise  est toute prête ; dans mon ventre, dans mes reins, les coups de plus en plus rapprochés sonnent l’heure : je vais donner naissance à un enfant, ma fille va venir au monde. Elle  va pour la première fois de sa vie ouvrir les yeux sur le monde extérieur.

Je sais que la vision du nourrisson est floue, restreinte, limitée à quelques centimètres. J’ai choisi le collier en conséquence, chamarré, miroitant, pétillant, pour que la première impression du monde enchante le regard de ma petite fille et lui montre « la vie en beau, la vie en beau » comme dit Baudelaire. Pour lui porter bonheur et joie.

À la maternité on m’enlève mes vêtements, mais on me laisse mon collier.

Ma fille a grandi. Aujourd’hui nous fêtons ses vingt ans. Parmi ses cadeaux, je glisse un sachet d’organda auquel j’ai agrafé une photo de sa naissance.

À l’intérieur, le collier brille encore.

(Et cet article signe l’acte de naissance de cet e-musée. Pour savoir ce qu’il est, d’où il vient et comment faire pour y déposer un objet, voir ici : « mode d’emploi« ).

https://ellabalaert.com

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