Elle sonnait les heures, les demi-heures, les quarts d’heures et, avant d’égrener gravement les battements des heures, offrait une jolie mélodie. Elle trônait en majesté au-dessus de mon lit, lors de mes vacances jurassiennes, chez ma grand-mère. Loin de troubler mon sommeil, ses sonorités rassurantes berçaient mes nuits.
Elle avait une histoire : ma grand-mère Léontine, lavandière, travaillait de surcroît dans sa jeunesse pour un fabricant de pendules, qu’elle décorait le soir de petits morceaux de nacre. Lorsqu’en 1910 elle épousa Charles, mon grand-père, son patron lui offrit le dernier œil-de-bœuf qu’elle avait nacré.
Lors du décès de ma grand-mère, et le partage de son très modeste héritage, la pendule échut à sa fille aînée, ma mère. Mais l’épouse de mon oncle était presque aveugle, et ne pouvait suivre l’écoulement du temps qu’en entendant les battements d’une pendule. Ma mère la lui prêta donc et, à sa mort, sa fille en hérita. Longtemps après, je songeai à la récupérer. Las ! Elle ne marchait plus, et je dus me résoudre à la transformer en simple objet décoratif, sur le mur de mon salon champenois … jusqu’au jour, où, sur le marché hebdomadaire, s’installa un réparateur versaillais de comtoises. Je lui confiai mon problème, et il vint chercher ma pendule, s’extasiant devant l’état des rouages, dont aucun n’avait été changé depuis l’origine.
Après un bon nettoyage et quelques réglages, elle retrouva son heureux tic-tac, et sa voix.