Le sac poubelle, par D.V.

Mon sac poubelle est mon objet, banal, noir, en plastique . Pourtant  il est important dans ma vie, puisqu’il renferme les objets que je veux oublier. J’ai pris le plus grand pour ne rien oublier. Son nom est « Tourne-page ».

J’ai commencé par les habits, pour oublier que dans ma vie j’ai pesé 187 kgs. Les chemises trop larges, les pantalons, les maillots, toute ma garde-robe, dansant dans le fond du sac un bal masqué.

Et puis j’ai encore de la place pour l’écriture : mes poèmes tristesses mes lettres d’amour sans amour sans sentiments sans émotion, presque une trahison.

A la moitié de mon sac, je me repose. Le sac me parle : «  Pourquoi D… ? » Pour faire le vide d’un poids lourd à porter, un surnom, « gros porc », pour prendre une revanche sur les magasins grande taille XXXXL, pour les lettres sans titre d’une femme d’un ami de la famille, pour des lettres dans un jeu de quilles.

J’ouvre de nouveau mon sac pour y mettre un passage assez dur de mon enfance, le martinet, le placard.

Mon sac se remplit très vite. Vais-je avoir assez de place pour toutes les blessures mais aussi les moments de joie ? Puisque je tourne la page, alors je fais le vide complet dans ma tête. J’aimerais que ce sac n’ait pas de fond, pour m’en servir comme un tunnel, il serait derrière moi et devant, il y aurait la lumière au bout du tunnel.

Et mon simple sac en plastique devient mon confident, je lui raconte pourquoi je jette sans regret ma vie passée, cette table au repas mal digéré.

 

2 réflexions sur “Le sac poubelle, par D.V.

  1. Bravo pour cette idée d’objet incroyablement émouvant, à la fois quotidien, concret, symbolique… présent dans toutes les familles, dans toutes les têtes, dans tous les cœurs, sous des formes sans doute proches, différentes, sacs parfois trop vides, parfois trop pleins. Sacs de nœuds, sacs encombrés de souvenirs, sacs encombrants, sacs libérateurs… Voilà qui me donne le projet de vous parler un de ces jours d’un sac poubelle qui me vient du Canada ! Et qui n’a rien à voir avec tout ce que l’on vient d’évoquer, d’ailleurs. Mais ce musée incroyable est ouvert à toutes les propositions, et c’est aussi cet aspect qui me séduit tant ici.

  2. C’est
    un objet
    en un sens,
    et bien plus qu’un objet:
    c’est une sorte de « fourre-tout ».
    Qui aurait un sac bien assez grand
    pour y jeter toutes les choses dont il a souffert?
    Et comment ne pas craindre que le monde y passe?

Laisser un commentaire