la poupée de porcelaine, par Aéris Fontaine

J’ai toujours aimé décorer et aménager ma chambre. Chez ma mère, c’est d’ailleurs la seule pièce dans laquelle je me sens bien, la seule pièce dans laquelle je me sens chez moi.

Au fil des années, des objets s’y sont entassés marquant mon évolution de petite fille à jeune femme. Chaque objet a une place très importante pour moi et contribue à faire de ma chambre un espace qui me ressemble.

Néanmoins, il y a un objet dont je souhaitais parler car il provoque en moi un mélange d’admiration et d’effroi. Il s’agit d’une poupée en porcelaine.

Dans mes souvenirs, elle appartenait à ma grand-mère, qui l’a sans doute héritée de sa propre mère. Il y a quelques années maintenant, je me suis prise d’une passion pour les poupées en porcelaine. J’ignore ce qui a déclenché en moi un tel engouement pour ces objets, peut être un livre, une brocante ou alors un reportage vu à la télé. Je partageais avec ma grand-mère cet amour des objets (ou plutôt cette incapacité à s’en séparer). Je savais donc que quelque part dans son grenier je trouverais mon bonheur. Je ne fus pas déçue puisqu’elle avait en sa possession cette fameuse poupée en porcelaine qui deviendrait la mienne.

Depuis de nombreuses années, elle trône sur mon armoire mais récemment j’ai commencé à ressentir du malaise en sa présence.

Pourtant cette poupée de porcelaine est particulièrement belle. Son visage a été fait avec attention et minutie. Sa tenue est somptueuse, composée d’un élégant chapeau et d’une robe en dentelle. C’est pourquoi, jusqu’à présent, il m’était agréable de la regarder et de l’admirer.

Mais son expression provoque en moi, depuis peu, un sentiment que je ne saurais expliquer. Sa bouche affiche un sourire figé et terrifiant qui laisse apparaître quelques unes de ses dents. Son regard vitreux, quant à lui, est particulièrement saisissant. Il semble se focaliser sur un point lointain dont seule la poupée aurait connaissance. Elle a été travaillée avec un si grand réalisme, qu’on pourrait même penser qu’elle est vivante et sur le point de se réveiller à tout instant telle une poupée tout droit sortie d’un film d’horreur.

Mais malgré cela et malgré la peur que mes proches éprouvent dès qu’ils la voient, je n’ai jamais eu le courage de me séparer de cet objet qui m’attire et me repousse à la fois. 

 

Aéris Fontaine

 

Une réflexion sur “la poupée de porcelaine, par Aéris Fontaine

  1. Odradek!
    On dirait Odradek,
    « la terreur du père de famille »
    cette nouvelle indécise et troublante de Kafka,
    où il y a un objet indécidable et brisé, qui est au moins un animal : Odradek

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