L’ammonite d’Alexis Fichet

Lors de la construction de la maison de Poitiers, en 1934, mes arrières grands-parents dégagèrent du sol calcaire deux belles ammonites, très grandes, avec de beaux détails. Les deux fossiles furent déposés devant la maison, à la vue de tous, comme un témoignage pré-historique de la vie qui avait précédé, une fondation précieuse. C’était une famille d’instituteurs, on aimait à collectionner les objets de la nature, les os, les crânes, les fossiles ou plus humblement quelques herbiers de feuilles séchées… Enfant, je fouillais les collections du grenier comme on parcourt une encyclopédie, et j’ai pris moi aussi ce goût de collectionneur : fossiles, minéraux, insectes enfermés dans de petits tubes de verre, je désirais cet héritage – qui ne m’était pas disputé, étant l’unique petit fils de mes grands-parents Lewandowski. Mais les deux ammonites, dont on me raconta l’histoire, je ne les ai jamais vues : elles avaient été volées bien avant ma naissance, sur le perron, probablement de nuit, sans effraction. Cette disparition me rendait un peu triste.

Pour les vacances de Pâques ou de la Toussaint, à Poitiers, nous allions à pied chez une vieille amie de mes grands-parents, Mademoiselle Pironnet. Je n’ai que de vagues souvenirs, je me souviens surtout du parcours dans les rues, entre les murs de pierre calcaire qui, eux aussi, m’évoquaient la possibilité des fossiles. Un jour, sans occasion particulière, Mademoiselle Pironnet décida de me léguer son ammonite personnelle. J’aime à penser que chaque maison du quartier avait son ammonite, présence immobile extirpée des fonds marins et de l’éternité. Moins belle, d’après ma mère, que celles arrachées aux fondations de la maison familiale, c’est tout de même un beau morceau de pierre, de presque 20 kilos. Adolescent, j’ai passé quelques heures à dégager un peu le centre de la coquille, mais l’ensemble reste tout de même assez grossier, sans détail. Elle habite désormais une maison bretonne.

Alexis Fichet

Novembre 2021

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